Comment favoriser l’émergence de nouvelles idées avec la règle du «Oui et…» Reviewed by Philippe Jean Poirier on . L'agence Perrier Jablonski propose d'adopter la règle du «Oui et» dans le contexte de création collective. Est-ce une bonne idée? (Source : Polina Tankilevitch, L'agence Perrier Jablonski propose d'adopter la règle du «Oui et» dans le contexte de création collective. Est-ce une bonne idée? (Source : Polina Tankilevitch, Rating: 0

Comment favoriser l’émergence de nouvelles idées avec la règle du «Oui et…»

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L’agence Perrier Jablonski propose d’adopter la règle du «Oui et» dans le contexte de création collective. Est-ce une bonne idée? (Source : Polina Tankilevitch, Pexel)

24 juin 2024

À 46 ans bien sonnées, l’auteur que je suis est à classer dans la catégorie des « dinosaures créatifs ». Pour preuve, j’avais toujours pensé, jusqu’à récemment, que les meilleures idées étaient celles qui survivaient au feu nourri de la critique. Qu’elles n’avaient pas à être couvées ou protégées, parce qu’elles s’imposaient d’elles-mêmes. Et donc, qu’il était normal que les milieux créatifs (littérature, télévisuelle, publicitaire) cultivent une dynamique de confrontation face aux idées émergentes. Or, il semble que j’ai tout faux.

Défendre et protéger l’élan créatif comme s’il s’agissait d’une fleur délicate, qu’il faut nourrir d’attention et protéger des intempéries, ne date pas d’hiver. Les techniques de remue-méninges d’Alex Osborn, un des fondateurs de la populaire agence de publicité BBDO, remonte aux années 1940. Et donc, l’idée d’encourager la quantité d’idées tout en s’abstenant de toute critique émane d’une longue tradition publicitaire.

L’année dernière, la stratège Amélie Geoffroy (Perrier Jablonski) a rappelé comment les idées sont «fragiles» dans un article publié sur le site de l’agence intitulé la règle du « oui et… » :

On peut tuer une idée, une improvisation et même un brainstorm avec un seul non. (Même en rajoutant un mais). Pourquoi? Parce qu’être créatif demande avant tout de se mettre en « état d’intuition», état qui requiert des dispositions neurologiques particulières que vient complètement chambouler un simple non. La règle de base de l’improvisation théâtrale, le « Oui et » (qui veut dire accepter et construire) gagnerait à s’immiscer davantage dans nos milieux professionnels.»

Le principe du «Oui et » provient effectivement du monde de l’improvisation théâtrale ; il a pour but de transmettre un état d’esprit où les participants cherchent à proposer des idées qui «s’ajoutent» au récit déjà établi, plutôt qu’à constamment emmener l’histoire dans une nouvelle direction. Depuis, le principe a été récupéré dans le milieu de la vente, du marketing, et de toute évidence, de la création publicitaire.

Voilà notre époque, donc : dire «non» (ou simplement «mais») blesse l’égo et paralyse.

(…) le «  non  » nous renvoie, de façon assez drastique, à ce mécanisme de censure que l’on cherche à éviter, explique Amélie Geoffroy. En se faisant juger sur une idée, une tentative, on cherche ensuite à se censurer, à se protéger, pour éviter de se mouiller à nouveau et d’essuyer un revers ou un refus.»

De quelle manière un «non», une objection ou une critique active un mécanisme de censure dans notre cerveau? La démonstration reste à faire.

Ça ne veut pas dire qu’on adore n’importe quelle idée d’emblée, précise la stratège. Mais ça valide la tentative de l’autre et ça montre qu’on est à l’écoute. Et puis neurologiquement, ça permet de désactiver la censure et permet à l’intuition d’être plus libre, d’être pleinement activée. Donc pour protéger les idées fragiles, et en encourager d’autres à naître, essayer un peu plus de Oui et que de non, mais. »

Une voix discordante

Bien sûr, il y a certainement un risque à toujours être dans l’objection ou la critique. Toutefois, la proposition d’évacuer toute notion de contestation des idées semble elle aussi excessive et risquée. Dans un article publié sur le site Harvard Business School, le professeur Roberto Verganti fait un éloge de la «pensée critique», tout en contestant la pertinence d’appliquer un concept de storytelling au développement de produit:

Nous remettons en question cette approche. Elle encourage la conception par comité et infuse un sentiment superficiel de collaboration qui conduit à des compromis et affaiblit les idées. Selon nous, le produit de plusieurs années d’études et de participation à des projets d’innovation, les équipes efficaces ne reportent pas la réflexion critique ; elles créent à travers la critique.»


L’enseignant propose une approche différente, celle du «Oui, mais, et».

Pour développer votre idée, votre collègue ne se contente pas de proposer une nouvelle amélioration. D’abord, elle fournit une critique, ce qui vous permet de recevoir des informations précieuses et spécifiques, de voir les faiblesses de votre idée incomplète que vous n’aviez pas pu repérer vous-même, et donc d’apprendre. Vous et toute l’équipe serez alors prêts à plonger plus profondément dans la prochaine itération.»

Dans un contexte purement créatif, on pourrait aussi ajouter que les «bonnes idées» peuvent aussi émerger de la friction et de la contestation d’autrui. Par les étincelles de l’objection… De toute évidence, la création collective aura toujours une part de mystère. Et l’exercice demeure périlleux pour l’ego. Certes, il faut apprendre à s’enthousiasmer des idées d’autrui. Mais il faut aussi accepter de recevoir un «non» occasionnel, de bon cÅ“ur et sans amertume. Non?


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A propos de l'auteur

Philippe Jean Poirier

Philippe Jean Poirier est un journaliste qui se passionne pour les mots, l’écriture, la recherche, la collecte de témoignages, les tendances sociétales et les raisons souterraines qui alimentent l’actualité. Email: pj_poirier@isarta.com

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